En 2017, des centaines de cultivateurs dans le district de Yavatmal, en Inde, ont été victimes d’empoisonnement. Le pesticide « Polo » de Syngenta a joué un rôle important dans cette tragédie. De nouvelles recherches et des documents officiels montrent que le nombre de cas d’intoxication impliquant ce produit était bien plus élevé que ce qui a été révélé jusqu’ici.
Syngenta continue pourtant de vendre son pesticide extrêmement dangereux en Inde.
Retour sur les faits
Dans le district de Yavatmal, en Inde centrale, environ 800 travailleurs agricoles ont été intoxiqués en épandant des pesticides sur les champs de coton entre juillet et octobre 2017. Plus de vingt d’entre eux sont décédés. Une enquête de Public Eye a révélé que le Polo de Syngenta figurait parmi les produits incriminés. Cet insecticide contient du diafenthiuron, une substance interdite depuis des années en Suisse et dans l’Union européenne. Retirée du marché suisse en 2009, elle figure sur la liste des pesticides « interdits en raison de leurs effets sur la santé de l’être humain ou sur l’environnement ». Selon l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), le diafenthiuron est « toxique en cas d’inhalation » et peut « occasionner des lésions d’organes en cas d’exposition prolongée ou répétée ».
A ce jour, Syngenta a toujours minimisé, voire nié sa part de responsabilité face aux conséquences sanitaires et sociales de ce drame.
De graves conséquences pour les familles
Chacune des 51 victimes a eu besoin d’un traitement médical. Parmi les conséquences de ces intoxications figuraient des problèmes oculaires, des nausées, des troubles neurologiques et musculaires, des difficultés respiratoires, des gonflements et des réactions cutanées. 43 personnes ont été hospitalisées – la plupart entre un jour et deux semaines, 9 plus de deux semaines et une a même passé 31 jours à l’hôpital. 44 des 51 victimes ont indiqué avoir subi une perte temporaire de la vue, et 16 sont restées inconscientes, parfois pendant plusieurs jours. Bon nombre d’entre elles ont été dans l’incapacité de travailler durant une longue période, jusqu’à un an dans certains cas. 28 personnes ont fait état de problèmes de santé persistants, notamment d’ordre neurologique et musculaire.
Pour de nombreuses familles, l’intoxication a entraîné une baisse dramatique de leurs faibles revenus, et la charge de travail assumée par les femmes a considérablement augmenté. En plus de s’occuper des enfants, elles doivent assurer les soins à leur mari malade et travailler comme journalières dans les champs, où elles touchent un salaire nettement plus faible que les hommes.
Des actions et réformes nécessaires
Les organisations ont déposé une notification conjointe auprès du Point de contact national dans l’espoir d’obtenir enfin des résultats concrets, que les échanges directs avec Syngenta n’ont pas permis jusqu’à présent. Elles demandent notamment :
- Que Syngenta cesse de vendre des pesticides dangereux aux petits paysans et travailleurs agricoles indiens
- Une indemnisation financière pour les 51 familles concernées afin de couvrir les frais médicaux et la perte de revenus engendrés.
Cette affaire montre une fois de plus les graves violations de droits humains que peuvent commettre des sociétés suisses.
L’initiative pour des multinationales responsables est un pas décisif pour mettre les entreprises face à leurs responsabilités et prévenir de tels abus. Si elle était acceptée, cette initiative veillerait aussi à ce que la responsabilité en dommages et intérêts repose sur l’ensemble de l’entreprise. La nouveauté ne serait pas qu’un tribunal suisse doive se prononcer sur des dommages perpétrés à l’étranger, mais que le siège d’une multinationale en Suisse puisse être tenu responsable des violations de droits humains occasionnées par ses filiales étrangères et qui auraient pu être évitées si le siège avait pris les mesures de diligence adéquates.